lundi 26 mars 2018

« Le Château de Barbe-Bleue » de Bartók et « La Voix humaine » de Poulenc - Opéra Garnier à Paris - 25/03/2018

Le Château de Barbe-Bleue de Bartók
On conseillera de se précipiter à la reprise du diptyque Bartók/Poulenc, opportunément réuni par Krzysztof Warlikowski au Palais Garnier en 2015 et à nouveau présenté jusqu’à la mi-avril dans les mêmes lieux. Il s’agit de l’une des plus éclatantes réussites du metteur en scène polonais à Paris, qui donne à sa Judith des faux airs d’Emilia Marty (voir L’Affaire Makropoulos en 2007 et 2009) : rien d’étonnant à cela tant la jeune femme incarne, jusqu’à la révélation finale, une femme forte, sûre de son pouvoir de séduction.

Pour autant, Warlikowski multiplie les références et les sous-textes, donnant à voir plusieurs interprétations possibles à sa mise en scène: ne s’intéresse-t-il pas en réalité davantage à Barbe-Bleue et son incapacité à grandir par le désir de l’autre? Le parcours initiatique imaginé par le librettiste Béla Balázs, mâtiné d’influences symbolistes, semble se confondre avec le désespoir du personnage féminin («Elle») de La Voix humaine. Warlikowski se concentre sur une seule âme, ivre de solitude, incapable de désirer et finalement prisonnière du fantasme d’un amour perdu. Pour appuyer ces tourbillons psychologiques intérieurs, le Polonais cisèle un jeu avec les illusions porté par la vidéo en arrière-scène: Barbe-Bleue évolue de la figure monstrueuse de la Bête éponyme du film de Jean Cocteau aux traits d’un enfant solitaire et triste, ne trouvant d’élan que dans l’imaginaire et la magie, seule échappatoire à son mal-être. La scénographie stylisée affiche une élégance jamais prise en défaut, des motifs art déco au déplacement harmonieux des vitrines-portes (là encore une allusion au cloisonnement psychologique) – sans parler des éclairages admirablement variés.

La Voix humaine de Poulenc
On retrouve les interprètes réunis en 2015 pour le meilleur. John Relyea convainc à nouveau par son interprétation de caractère, surtout dans les graves. Le timbre s’use quelque peu au cours de la représentation, ce qui n’est en rien préjudiciable tant cela convient avec le rôle. A ses côtés, Ekaterina Gubanova s’impose par son incarnation vibrante de Judith, merveilleusement servie par sa voix cuivrée qui irradie toute la scène. Barbara Hannigan (Elle) se montre tout autant investie, même si elle perd quelque peu en substance vocale dans les accélérations et la fureur. Le grand Ingo Metzmacher succède quant à lui à Esa-Pekka Salonen à la direction musicale, tissant des motifs tour à tour morbides, colorés et lumineux, en des tempi parfaitement différenciés.

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