mardi 4 juillet 2017

« Le convenienze ed inconvenienze teatrali » ou « Viva la mamma! » de Gaetano Donizetti - Opéra de Lyon - 30/06/2017

L’Opéra de Lyon et son directeur Serge Dorny prennent décidément l’habitude de sortir des sentiers battus pour nous faire découvrir avec bonheur des ouvrages oubliés pourtant dus aux plus grands noms du répertoire lyrique. On peut ainsi citer l’opérette féerique d’Offenbach Le Roi Carotte, déjà montée l’an passé avec les forces de l’Opéra de Lyon dans une mise en scène de Laurent Pelly, avant que les mêmes ne choisissent cette année de s’attaquer à la rare Viva la mamma! de Donizetti (voir la production milanaise de 2009 immortalisée en DVD). Adaptée d’une comédie vénitienne d’Antonio Sografi (1759-1818) par Donizetti lui-même, la toute première version en un acte rencontra un succès à la création en 1827, puis fut augmentée et enrichie en deux actes, quatre ans plus tard, à partir de la suite écrite par Sografi. C’est cette version qu’il nous est donné d’apprécier cette année à Lyon, dans un spectacle d’une durée de deux heures quinze, hors entracte.

Avec Offenbach, Donizetti est bien l’un des compositeurs de prédilection de Laurent Pelly, toujours inspiré par l’ancien élève de Simon Mayr comme le démontrent les reprises dans le monde entier des productions de La Fille du régiment ou de L’Elixir d’amour. Le metteur en scène français, directeur du Théâtre national de Toulouse depuis 2008, reste fidèle à ses premières amours en privilégiant la direction d’acteur et l’ajout de nombreux sous-textes visuels pour enrichir l’action. Dès le lever de rideau et la pétillante Ouverture (encore très proche du style rossinien), Pelly s’attache à caractériser ses personnages par des entrées solennisées où chaque tempérament égocentré s’exprime par une gestuelle étudiée, dans un élan chorégraphique endiablé. Pelly s’appuie également sur une scénographie classique mais astucieuse, en faisant évoluer toute la troupe dans un ancien théâtre transformé en parking: une idée tragique sans doute inspirée par le destin identique du somptueux Théâtre du Michigan, à Detroit. Les nombreux caprices hilarants de nos divas prennent ainsi un goût amer au regard de ce destin affiché d’emblée comme une catastrophe à venir. On assiste bien aux dernières heures d’un théâtre, comme un requiem pour la culture: de quoi nous rappeler la nécessité à réfléchir sur l’intérêt de la farce afin d’éviter un désastre semblable.


Le plateau vocal s’appuie sur la prestation parfaite de Laurent Naouri qui n’en fait jamais trop dans son rôle travesti de Mamma Agata, mettant en avant sa prestance habituelle, autant physique que vocale. Ses interventions sont un régal comique pendant toute la soirée. A ses côtés, Patrizia Ciofi (Daria) déçoit par une émission étroite dans l’aigu, autour d’un timbre qui manque de substance: fort heureusement, son abattage théâtral emporte finalement l’adhésion dans ce rôle qui lui va comme un gant. Charles Rice compose quant à lui un pâle Procolo au niveau théâtral, heureusement compensé par une technique vocale sûre, tandis que l’impeccable Pietro Di Bianco (ancien membre de l’Académie de l’Opéra de Paris) dispense sa classe naturelle dans le rôle du chef d’orchestre. La jeunesse triomphe également à la fosse avec la baguette avisée du suisse Lorenzo Viotti (né en 1990), toujours attentif aux moindres inflexions musicales de Donizetti. On notera enfin que ce spectacle réussi sera diffusé le samedi 8 juillet sur quatorze grands écrans de la région Auvergne-Rhône-Alpes: un rendez-vous à ne pas manquer!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire