mercredi 26 juillet 2017

« Albert Herring » de Benjamin Britten - Opéra de Buxton - 22/07/2017

Depuis sa création en 1979, le festival de Buxton ne s’est intéressé qu’aux opéras de chambre de Britten, avec Let’s make an opera (1981), Le Tour d’écrou (1995, 2004, 2012), Le Viol de Lucrèce (1999) ou encore les trois paraboles d’église (2013). Comment rivaliser, en effet, avec le festival créé par Britten lui-même dans sa ville natale d’Aldeburgh, au nord-est de Londres? Pour autant, Buxton n’hésite pas cette année à programmer le délicieux opéra-bouffe Albert Herring (1947) et ses près de 3 heures avec entracte, trop rare dans nos contrées du fait de la difficulté à réunir un plateau vocal conséquent et homogène: on se rappelle ainsi de la dernière et excellente production présentée à l’Opéra de Rouen et à l’Opéra-Comique en 2009, malheureusement non disponible en DVD. Seule la production assez poussiéreuse de Glyndebourne en 1985 a eu cette chance – il est vrai portée par la soprano Felicity Palmer et Bernard Haitink à la baguette: trop peu, hélas, pour faire connaître largement cet ouvrage où Britten se fait le chantre de la liberté individuelle en critiquant la médiocrité ordinaire des notables d’un petit village.

La mise en scène classique de Francis Matthews propose une lecture fidèle à l’œuvre en insistant sur le pouvoir tyrannique de Lady Billows face à ses acolytes soumis, et ce au moyen de gags simples et efficaces. On pense ainsi au jeu de chaises musicales auquel se livrent plusieurs fois les interprètes, tandis que de nombreux sous-textes viennent enrichir l’action en caractérisant les personnages. Autour de costumes et décors classiques, tout autant que d’un luxe de détails au niveau des accessoires, Francis Matthews ajoute à Albert Herring un double muet et tentateur avec sa pomme tendue à de multiples reprises vers le jeune premier. Il revient à un danseur d’interpréter ce rôle qui, notamment, apporte beaucoup de poésie et d’intensité au long solo de la fin de l’acte II où Albert prend enfin conscience de la nécessité de voler de ses propres ailes.


Le plateau vocal pléthorique se montre d’une belle homogénéité, hormis la Lady Billows un peu pâle d’Yvonne Howard, trop faible de projection, et plus encore le Mr. Upfold de Jeffrey Lloyd-Roberts, au timbre bien fatigué. Tous les autres chanteurs convainquent pleinement, au premier rang desquels Lucy Schaufer (Florence Pike) à l’articulation piquante et généreuse, tout autant que l’irrésistible couple de jeunes premiers interprété par Morgan Pearse (Sid) et Kathryn Rudge (Nancy) – trois jeunes pousses à suivre de près à l’avenir. Bradley Smith montre quant à lui une belle sensibilité dans le rôle souvent ingrat d’Albert Herring, tandis qu’Heather Shipp (Mrs Herring) assure bien sa partie. Comme la veille, on soulignera la belle prestation du Northern Chamber Festival Orchestra, à la tête duquel Justin Doyle se distingue par des phrasés élégants mais un rien trop prudents. Le superbe octuor vocal du troisième acte manque ainsi de mordant en comparaison de la même scène, que Richard Brunel, à l’Opéra-Comique en 2009, avait située dans un cimetière. On espère que le festival saura aussi s’intéresser avec le même intérêt à Paul Bunyan, tout premier opéra de Britten récemment monté à Francfort avec succès.

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