lundi 24 octobre 2016

« Martha oder der Markt zu Richmond » de Friedrich von Flotow - Opéra de Francfort - 21/10/2016


Auteur d’une trentaine d’opéras, Friedrich von Flotow (1812-1883) reste aujourd’hui largement oublié en dehors de ses terres natales germaniques. Notre pays devrait pourtant se souvenir que ce compositeur, formé à Paris auprès notamment d’Antoine Reicha, fut l’un des plus sérieux concurrents de Donizetti lors de ses années parisiennes, recevant les honneurs d’une création lyrique à l’Opéra-Comique en 1843 puis à l’Opéra de Paris en 1846. Si Flotow créa toutes ses premières œuvres en France jusqu’en 1844 à l’exception de son opéra Pierre et Catherine en 1835, il se tourna finalement vers les pays germaniques pour s’imposer avec ce qui reste comme son plus éclatant succès: Martha ou le marché de Richmond (1847). Cet opéra-comique dans le style français rappelle en bien des endroits les délices mélodiques d’une orchestration légère et élégante empruntée à Auber et Adam, s’appuyant sur un sens de la déclamation fluide et irrésistible, sans parler de ses nombreux ensembles, tous réussis. On compte ainsi peu de récitatifs et d’airs dans cet opéra qui nous emporte comme un tourbillon de bonne humeur, ce qui explique sans doute pourquoi quelques airs furent dès le XIXe siècle ajoutés, telle la fameuse romance «Ach so fromm» tirée d’un opéra précédent de Flotow et popularisée par Enrico Caruso au concert comme au disque.

Cette nouvelle production signe le grand retour de Flotow dans la capitale de la Hesse après 67 ans d’absence sur scène. La grande maison allemande a eu la bonne idée de confier la mise en scène à Katharina Thoma, assez méconnue en France malgré son essai strasbourgeois dans La Clémence de Titus, diversement apprécié l’an passé. On retrouve le style bouillonnant de l’Allemande qui transpose l’action dans l’Angleterre contemporaine, s’appuyant sur une scénographie et des costumes classieux qui rappellent l’art élégant et millimétré de Robert Carsen. Mais Thoma ne se contente pas seulement de «faire beau»: elle enrichit le livret en insistant sur l’exiguïté de l’appartement suspendu des jeunes filles qui évoque les perspectives prosaïques de leur imagination – se rapprochant ainsi de leurs promis, tout aussi à l’étroit dans leur caravane sordide et leur avenir morose. Sous ces doigts d’orfèvre, la première partie de l’opéra est un tourbillon qui fourmille d’idées comiques, imposant des tableaux visuels variés assis sur un art des transitions particulièrement éloquent. Admirablement virtuose, sa capacité à composer des scènes de caractère tout autant que désopilantes enrichit considérablement l’intérêt pour cette histoire très classique. La surprise n’en est que plus grande après l’entracte, lorsque les grandes scènes de chœur se font plus rares, faisant alors place à un intimisme qui parvient réellement à émouvoir.


Il faut dire que le directeur musical de l’Opéra de Francfort Sebastian Weigle est ici à son aise avec cette musique élégante, tissant des délices de raffinement mélodique, admirable soutien pour les interprètes. On pourra seulement lui reprocher d’avoir raté l’Ouverture, plus complexe dans l’enchevêtrement des différents thèmes qui parcourent l’opéra, en manquant singulièrement de caractère. Mais ça n’est là qu’un détail tant les interprètes se montrent au niveau. Ainsi de la Martha de Maria Bengtsson, qui met un peu de temps à se chauffer avant d’imposer son aisance dans les changements de registre et le velouté délicieux de son timbre. On retrouve des qualités identiques chez Katharina Magiera (Nancy), aux graves superbes, tandis que Björn Bürger se montre une fois encore impeccable dans son rôle de Plumkett. Seul le terne AJ Glueckert (Lyonel) déçoit par un investissement scénique peu caractérisé au niveau théâtral, heureusement compensé par la souplesse et l’aisance de sa ligne vocale.

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