dimanche 18 septembre 2016

« Tamerlano » de Haendel - Festival d'Ambronay - 17/09/2016

Carlo Allemano
Parmi les opéras les plus joués de Haendel, Tamerlano (1724) est sans doute l’une des œuvres lyriques qui se prête le mieux à une version de concert, tant les airs superbes se succèdent les uns aux autres, tandis que l’imbroglio amoureux autour des différents protagonistes se suit aisément grâce au livret fourni dans le programme d’Ambronay. L’absence de surtitres n’est ainsi nullement un frein à la bonne compréhension de l’action, de surcroît facilitée par la suppression de plusieurs récitatifs par Christophe Rousset – environ vingt minutes sur les trois heures que durent normalement l’opéra.

Le chef français est ici pleinement à l’aise dans un répertoire qu’il connait bien pour l’avoir promu souvent, en concert (à Bruxelles l’an passé dans ce même Tamerlano, avec un plateau vocal différent de celui présenté à Ambronay) comme au disque, nous emportant dans les passages vifs par l’entrain de son rebond rythmique, tout en étant attentif aux moindres nuances dans les airs plus mesurés. C’est aussi pour lui l’occasion de prendre place au clavecin, délaissant temporairement le pupitre de direction pour retrouver son instrument de prédilection.


Du côté des voix, l’excellence du plateau vocal réuni laisse pantois, même si les styles varient entre ceux qui privilégient l’interprétation, ceux qui jouent davantage sur les couleurs au détriment du sens, et ceux qui parviennent à se situer entre les deux optiques – recueillant notre préférence, on s’en doute. Ainsi de la lumineuse Maité Beaumont (Irene), dont l’aisance technique n’égale que la pureté du timbre aérien. Elle est de celle qu’on écoute d’emblée sans relâcher l’attention, remplissant tout l’espace de son aura. A ses côtés, le tempérament dramatique de l’Andronicus de Teresa Iervolino fait également sensation, tant l’impact physique produit en fait une bête de scène que l’on aimerait retrouver dans une production à sa mesure.


Eugénie Wargnier se montre plus sobre en comparaison, mais ne lui cède en rien dans l’intelligence de la conduite des phrasés, les respirations assises sur une technique sûre. Avec le contre-ténor Christopher Lowrey, l’aisance est peut-être plus impressionnante encore dans la rondeur et l’opulence du timbre, jamais prise en défaut y compris dans son air redoutable au III, où le tempo infernal de Rousset ne l’empêche pas de se jouer des périlleuses vocalises. A peine pourrait-on lui reprocher une extraversion qui semble nuire à la compréhension du texte. Mais ce n’est là qu’un détail tant sa maestria vocale pure nous séduit tout du long.


Si Thomas Bauer s’en sort bien dans son court rôle de Leone, c’est surtout Carlo Allemano qui reçoit l’accolade chaleureuse de Rousset en fin de concert, manifestement ravi d’accompagner ce chanteur aussi investi qu’accompli. A l’instar de sa superbe interprétation de Titus à Innsbruck en 2013 (un récent disque édité par CPO en témoigne), son timbre un peu fatigué convient parfaitement au rôle, porté par un investissement dramatique éloquent dans la fureur et surtout une capacité à nous émouvoir dans son air final d’adieu au monde terrestre – l’un des moments forts de la soirée. Il n’est pas pour rien dans la réussite de ce concert dont on espère qu’une captation discographique saura en garder la mémoire.

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