mercredi 30 juillet 2014

Récitals de Pretty Yende et Marc-André Hamelin - Festival de Verbier - 27 et 28/07/2014

Une pluie de stars et un vent de jeunesse s’emparent chaque été de la station de Verbier, dans les hauteurs suisses. Chacun à leur tour, la jeune soprano Pretty Yende comme le pianiste chevronné Marc‑André Hamelin ont impressionné par leur grande maturité artistique.

Pretty Yende et James Vaughan
On doit à Martin Engstroem, agent d’artistes célèbres et ancien dirigeant de la firme Deutsche Grammophon, la création du festival de musique classique de Verbier, voilà vingt et un ans. L’ancien mari de Barbara Hendricks a eu l’audace de choisir une station de ski très courue l’hiver mais finalement peu fréquentée l’été, créant ainsi l’un des festivals qui figure désormais parmi les plus renommés au monde. Située dans le canton francophone du Valais, au sud-est du lac Léman et à deux pas de Chamonix comme du val d’Aoste, Verbier s’étend sur les alpages en hauteur, bercée par les majestueuses montagnes environnantes qui entourent les nombreux chalets en bois aux toits d’ardoise, tous parfaitement préservés et d’un charme indéniable.

Le festival dispose d’un budget considérable, assis sur les ressources de la billetterie et du subventionnement, mais aussi sur une dynamique politique de partenariats privés et de mécénat. Outre le flair artistique de son fondateur (toujours aux commandes), ces atouts expliquent l’incroyable rassemblement de célébrités * pendant dix‑sept jours, que l’on peut écouter dans pas moins de trois à quatre concerts payants chaque jour, auxquels s’ajoutent les nombreuses manifestations gratuites (musique de chambre dans le charmant cinéma rétro, master class et conférences dans toute la ville, répétitions publiques, etc). Si l’on ajoute les concerts des différents bars et restaurants, organisés autour du programme Fest’off, la cité prend ainsi des faux airs de Festival d’Avignon. 


Un vent de jeunesse
 
Un rapprochement d’autant plus évident que de nombreuses institutions viennent là aussi repérer (et passer des contrats) avec les nombreux artistes ici réunis. L’une des grandes originalités de Verbier consiste à ne pas se contenter d’accueillir des artistes chevronnés à coup de gros cachets, mais à faire souffler un véritable vent de jeunesse, notamment grâce à la composition innovante de ses différents orchestres. L’Orchestre symphonique du festival est ainsi composé de musiciens de 19 à 29 ans, sélectionnés chaque année à travers le monde, au terme d’un long et exigeant processus.

Outre le luxe de disposer d’un ensemble de chambre permanent composé des anciens de l’Orchestre symphonique, Verbier a également mis en place l’an passé un programme appelé « Music Camp » qui s’adresse cette fois aux 15‑17 ans, avec à la clé la préparation de concerts gratuits donnés dans la vaste salle des Combins. Des jeunes pousses capables, par exemple, d’oser affronter les forces telluriques de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák. Avec cet étonnant mélange de différents artistes venus de tous les horizons, déjà célèbres ou en devenir, on comprend dès lors toute la richesse de ce festival, source de savoureuses rencontres et confrontations. 


Divine Pretty Yende
 
On pense bien entendu au récital de l’une des grandes curiosités de ce festival, en la personne de Pretty Yende. Quasi inconnue en France, la soprano de 29 ans au sourire éclatant a fait l’étalage de sa classe vocale lors d’un vaste programme très audacieux. Dans les boiseries intimistes de l’église de Verbier, la Sud-Africaine a démontré combien sa technique sûre lui permettait de convaincre en des genres très différents, du bel canto à la mélodie française, en passant par les musicals américains et de virtuoses passages coloratures. Et, pour finir, des airs de zarzuelas, ces opérettes espagnoles délicieuses que l’on entend malheureusement si peu en France. Ovationnée debout, la lauréate du concours Operalia en 2011 se doit désormais de chanter en France, un évènement malheureusement non encore prévu à ce jour. Gageons que sa prestation donnera cette idée à une opportune maison d’opéra hexagonale…

Autre récital vivement applaudi, celui consacré au pianiste chevronné Marc‑André Hamelin. On connaît bien le pianiste canadien, pilier d’une remarquable série de disques consacrés aux concertos romantiques, enregistrés par la firme Hyperion. Assez rare en France, on se réjouit de retrouver son geste alerte, un rien trop expéditif chez Haydn, mais qui devient plus profond chez Field (précurseur de Chopin) et plus encore avec Debussy. C’est là le cœur intime de ce beau programme, vaillamment poursuivi par des variations écrites de la main même d’Hamelin – tour à tour téméraires et facétieuses. Le Canadien achève son récital avec de rares Liszt, qui lui permettent de démontrer son sens de la vélocité et son toucher volontiers malicieux, le rendant toujours imprévisible. Encore un grand moment pour ce festival, à savourer dans toutes ces nombreuses facettes. 


* Pas moins de 500 artistes au total. Nous nous bornerons à citer quelques grandes stars du piano, telle Martha Argerich, Christian Zacharias, Stephen Kovacevich, Grigory Sokolov, Evgeny Kissin, tous réunis ici comme leurs plus jeunes confrères Daniil Trifonov ou Jan Liesecki. Une liste non limitative. Excusez du peu !

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