jeudi 31 juillet 2014

« il Tabarro » de Puccini et « Don Carlo » de Verdi - Festival de Verbier - 27/07/2014

À Verbier, le public attendait Vittorio Grigolo et n’a pas été déçu. Pour autant, c’est bien l’âpre duel Abdrazakov / Petrenko qui aura marqué les esprits dans un « Don Carlo » de luxe.
Ildar Abdrazakov
Certains livrets d’opéra se révèlent parfois peu compréhensibles, comme c’est le cas avec l’obscur il Tabarro de Puccini. À l’issue de la représentation, certains spectateurs s’interrogeaient ainsi sur l’épilogue de ce drame en miniature – une œuvre en un acte d’à peine une heure. Le premier opéra du méconnu Tryptique (il Trittico) créé par Puccini en 1918, place d’emblée ses personnages dans la tragédie, dévoilant l’amour impossible entre Luigi et la belle Giorgetta, déjà mariée à Michele. Autour de personnages truculents, telle la vibrionnante Frugola, l’étau se resserre entre les amants, imprimant une atmosphère moite que n’aurait pas renié Tennessee Williams. Malheureusement, la direction fine et élégante de Daniel Harding évacue ce contexte au profit d’une lecture trop chambriste. Les chanteurs, sans réel soutien, sont comme à nu devant l’auditoire.

Si Lucio Gallo * (Michele) met un peu de temps à se chauffer avant d’emporter l’adhésion par son bel engagement, on est moins convaincu par l’interprétation de Barbara Frittoli, qui compose une Giorgetta bien pâle. Malgré un vibrato prononcé, elle parvient à compenser ses faiblesses dramatiques par sa voix fruitée et bien projetée. Rien de tel chez son partenaire Thiago Arancam (Luigi), toujours à la limite du surjeu, à l’émission malheureusement trop serrée pour déployer aisément son beau timbre de voix. Reste à mentionner l’impressionnante Ekaterina Semenchuk qui donne à sa Frugola une dimension truculente du meilleur cru.

Harding enfin convaincant

Heureuse surprise en deuxième partie de soirée, la direction millimétrée de Daniel Harding convient mieux aux accents romantiques du Verdi de Don Carlo. Composé dans le style du grand opéra à la française, sorte de vaste fresque historique souvent emphatique, cette œuvre peu souvent montée fait partie des chefs-d’œuvre méconnus de son auteur. Verbier nous propose de découvrir les deux derniers actes de la version italienne (l’original fut composé pour Paris, en français), avec un plateau vocal d’exception. On retrouve la grande star Vittorio Grigolo dans le rôle-titre, souvent agaçant avec ses mimiques narcissiques, mais qui balaie facilement toute réserve avec sa voix puissante et agile, procurant un impact physique réel sur l’auditoire.

Côté interprétation, on pourra lui préférer la touchante Lianna Haroutounian (Elisabetta), capable dans les airs de viser les sommets pour décevoir ensuite quelque peu dans les passages parlés-chantés, avec une ligne de chant parfois à la limite de la fausseté. Autour de ces deux rôles principaux, Ildar Abdrazakov (Filippo II) et Mikhail Petrenko (l’Inquisitore) impressionnent tous deux dans leur beau duo initial comme dans leurs interventions suivantes. La puissance, la diction et l’engagement de Petrenko répondent à la maîtrise renversante d’Abdrazakov. Voix riche d’une belle intensité dramatique, ce dernier n’est pas pour rien dans l’atmosphère électrique de la fin de soirée. 


* Qui a remplacé Alexey Marlov, suite à son retrait.

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