jeudi 31 juillet 2014

« Fidelio » de Ludwig van Beethoven - Festival de Verbier - 26/07/2014

L’opéra n’est pas le cœur de cible premier du Festival de Verbier. Pour autant, avec des distributions vocales d’exception cette année encore, les mélomanes accourent de partout. Le « Fidelio » extraordinaire donné samedi soir leur a rappelé combien ce flair était justifié !

Ingela Brimberg

Rendez-vous incontournable de l’été pour les amateurs de récitals et de musique de chambre, le Festival de Verbier s’est étendu depuis quelques années à l’opéra, offrant des distributions dignes des plus grandes scènes internationales. Il n’en fallait pas davantage pour attirer un public nombreux et multiplier les soirées consacrées à l’art lyrique. Verbier n’hésite pas à donner des œuvres rares, particulièrement cette année, par extraits ou en totalité, et toujours en version de concert. Les amateurs de musique classique se méfient trop souvent de ces opéras donnés en version de concert, oubliant que l’absence de décors et de mise en scène n’empêche en rien les chanteurs d’interpréter leur rôle à leur manière.

Ainsi, certains se concertent et parviennent à aller au-delà d’un jeu minimal pour proposer une interaction à bien des égards passionnante. On se souvient notamment du remarquable travail de mise en espace réalisé à la Salle Pleyel dans plusieurs opéras de Mozart dirigés par René Jacobs. À Verbier, les chanteurs ne restent sur le plateau que si la scène de l’opéra l’exige, permettant ainsi au spectateur, par la seule force de la compréhension du texte et de l’expressivité du chant, de visualiser et interpréter l’action dans son esprit. C’est précisément en cette direction que la station suisse a innové cette année avec la mise en place de surtitres en français.

Vibrant Minkowski 

Un confort essentiel pour bien suivre l’action de Fidelio, l’unique opéra de Beethoven, qui a fait sensation à Verbier devant une salle quasi comble. Il faut dire que la direction de Marc Minkowski sait faire vibrer ses chanteurs à l’unisson, exaltant son chœur et son ensemble comme aucun autre. Sens de la rythmique, césures, contrastes surprenants de tendresse dans les passages plus recueillis, tout est là. Une direction toujours passionnante, attentive à chaque détail. Outre l’excellent chœur new-yorkais de la Collegiate Chorale, Minkowski dispose d’un beau plateau d’artistes homogène, tous ralliés vers une même tension dramatique. C’est sans doute ce qui fait la différence avec les individualités vocales plus marquées de la soirée Puccini / Verdi du lendemain.

Si les femmes se montrent légèrement moins à l’aise sur le plan vocal, elles compensent leurs faiblesses par une interprétation théâtrale sans failles. Si le timbre rêche d’Evgeny Nikitin manque de couleurs, il compose lui aussi un Don Pizarro d’une belle noirceur, tandis que le Florestan de Brandon Jovanovich assure sa partie avec vaillance, seulement en difficulté dans l’aigu. Mais l’incontestable satisfaction de la soirée est l’interprétation de Robert Gleadow (remplaçant de René Pape) dans le rôle de Rocco. Avec son beau timbre opulent et profond, il est de ceux qu’on écoute, captivé par sa capacité de pénétration et de concentration. Outre la formidable ovation qui ponctue la spectaculaire scène finale, Robert Gleadow reçoit tout autant les vivats d’un public décidément gâté en ces hauteurs alpines. 

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