lundi 19 novembre 2012

« Thésée » de François-Joseph Gossec - Opéra de Versailles - 13/11/2012

Saison après saison, l’Opéra de Versailles poursuit sa programmation originale de raretés baroques et classiques. Place cette fois à un opéra de Gossec, agréable faiseur, qui bénéficie d’interprètes de haut vol pour la défense de sa musique.

Après une longue et coûteuse campagne de restauration, l’Opéra de Versailles a rouvert en septembre 2009, inaugurant une saison musicale riche de sa collaboration avec le Centre baroque de Versailles et le Centre de musique romantique française basé à Venise. Quatre ans plus tard, tous les grands interprètes des répertoires baroque et classique, de Jérémie Rhorer à Jordi Savall, en passant par Cécilia Bartoli, Mark Minkowski ou William Christie, ont donné à ce lieu le prestige artistique qu’il n’a jamais eu. Construit pendant le règne de Louis XV, l’Opéra n’a en effet jamais accueilli de saison régulière, se contentant de rares manifestations isolées.
Outre les nécessaires interprètes de tout premier plan, la programmation actuelle s’articule autour d’une volonté de défricher le répertoire permettant ainsi la découverte d’œuvres méconnues ou de compositeurs oubliés. En 2009, la toute première saison musicale avait ainsi mis en avant le compositeur liégeois André Grétry (1741‑1813), contemporain de Mozart et célèbre en son temps. Parmi les nombreuses œuvres programmées, son ballet héroïque Céphale et Procris ou l’Amour conjugal * avait été sorti de l’oubli par Guy Van Waas et son excellent ensemble belge Les Agrémens.
Après Lully et Haendel
C’est précisément ces interprètes que l’on retrouve trois ans plus tard, toujours à Versailles, pour défendre la musique de François‑Joseph Gossec (1734‑1829), cadet de deux ans de Joseph Haydn, qui au cours de sa longue carrière a connu aussi bien Rameau que Berlioz. Renommé en France pour ses symphonies, son Requiem ou ses hymnes de la période révolutionnaire, Gossec a également composé de nombreux opéras tel Thésée en 1782. Cette tragédie lyrique est adaptée d’un livret de Philippe Quinault écrit un siècle plus tôt et déjà mis en musique par Lully et Haendel. Contrairement à ce que peut laisser supposer son titre, l’œuvre place la princesse Églé au centre de l’action, au détriment de Thésée qui n’intervient qu’en milieu d’opéra.
Le premier acte décrit la victoire du roi d’Athènes Égée sur ses ennemis, épisode guerrier que Gossec transcende au moyen d’un orchestre opulent où rivalisent trombones, trompettes, et vents au complet par deux (contrairement à Haydn qui ne disposait pas à cette époque d’un tel ensemble). Épaulée par un chœur omniprésent, la verve rythmique de Gossec impressionne par sa scansion toute baroque, laissant peu de place au développement de motifs mélodiques. Le deuxième acte s’apaise quelque peu, permettant aux personnages de dévoiler leur psychologie par de rudes oppositions. Amoureuse de Thésée, Églé se refuse ainsi aux avances d’Égée et provoque la fureur de Médée qui hésite entre les deux hommes. Le sommet de l’opéra est atteint lors de la confrontation entre les héroïnes, rôles qui bénéficient de l’interprétation de la soprano Virginie Pochon (Églé) et de la mezzo-soprano Jennifer Borghi (Médée).
Des chanteurs convaincants
Les deux jeunes femmes rivalisent en effet d’aisance vocale dans la joute, imprimant une concentration dramatique singulièrement bienvenue dans le cadre d’une version de concert, et ce malgré l’absence de surtitres, dommageable pour la parfaite compréhension de l’action. On retient également les admirables rôles masculins, aussi bien la projection généreuse de l’Égée du baryton Tassis Christoyannis que la voix claire et articulée du ténor Frédéric Antoun (Thésée). À leurs côtés, dans de multiples seconds rôles, Philippe Favette se montre également très convaincant.
Autour de ce plateau vocal de haute volée, l’ensemble Les Agrémens, composé d’instruments d’époque, se joue aisément des difficiles passages virtuoses, galvanisé par un Guy Van Waas attentif au moindre détail. Le Chœur de chambre de Namur, admirable de cohésion et de musicalité, bénéficie quant à lui de la merveilleuse acoustique de l’Opéra de Versailles. Dans cet écrin splendide et avec de tels interprètes, la musique de Gossec, plaisante mais sans surprises, ne pouvait trouver de meilleures conditions pour s’épanouir harmonieusement.

* Œuvre que l’on peut retrouver au disque, parmi le riche catalogue des enregistrements discographiques édites par le Centre baroque de Versailles et le Centre de musique romantique française.

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