jeudi 2 février 2012

« Festival Puccini plus » - Opéra de Lyon - 28/01 et 30/01/2012

L’Opéra de Lyon propose en ce début d’année un festival lyrique autour de courtes œuvres de Giacomo Puccini couplées avec celles de ses contemporains allemands. De rares chefs-d’œuvre à découvrir de toute urgence.



Lyon, ville bourgeoise ? Pour dynamiter ce cliché, rien de tel qu’un tour à l’Opéra, dont la politique de démocratisation menée par son directeur, Serge Dorny, bat son plein depuis 2003. Du site internet à la brochure annuelle, toute la communication fait œuvre de pédagogie, rappelant l’accessibilité des prix ou la variété des publics, sans pour autant mettre de côté l’audace de la programmation.

Et pour ce faire, Serge Dorny a eu l’idée de présenter une œuvre relativement méconnue de Giacomo Puccini, le Triptyque, un cycle de trois opéras (il Tabaro, Suor Angelica et Gianni Schicchi) en un acte conçus en 1918 pour être représentés ensemble, mais souvent donnés indépendamment avec une autre œuvre courte. Le festival Puccini plus permet justement de confronter ces deux solutions, avec la réunion opportune d’opéras allemands contemporains encore plus rares, composés par Arnold Schönberg, Paul Hindemith et Alexander von Zemlinsky. La réussite éclatante des deux dernières soirées nous fait regretter de n’avoir pu assister au premier couplage (il Tabaro et Von heute auf morgen de Schönberg).

Le désir refoulé des religieuses

La deuxième soirée propose la confrontation originale de drames exclusivement chantés par des femmes, dans le huis clos vénéneux de l’institution religieuse. Avec Sancta Susanna, énorme scandale à sa création en 1922, Hindemith décrit les égarements de deux nonnes (magnifique Susanna d’Agnes Selma Weiland) perturbées par l’évocation d’une religieuse emmurée vivante pour avoir osé caresser l’effigie du Christ. Dans une ambiance sombre et mystérieuse, la mise en scène volontiers spectaculaire de John Fulljames sert parfaitement la musique expressionniste du compositeur allemand.

Avec Suor Angelica, la musique de Puccini se fait plus légère, comme diaphane, autour du récit de l’enfermement de la jeune Sœur Angélique au couvent. La représentation du cloître est étagée de manière réaliste, avec des cases où chuchotent malicieusement les religieuses, malheureusement desservies par un éclairage criard, qui se reflète sur la surface des carreaux biseautés de type métro parisien. On regrette aussi les derniers instants de l’opéra où la mise en scène de David Pountney n’apporte pas grand-chose à la révélation mystique d’Angélique (impeccable Csilla Boross). Sommet de l’opéra, la scène de la Tante princesse est heureusement sublimée par le chant altier et implacable de l’expérimentée Natascha Petrinsky.

De Wilde à Dante

La dernière soirée se révèle plus réussie avec Une tragédie florentine, drame en huis clos d’Oscar Wilde, qui permet à Zemlinsky de composer l’un de ces chefs-d’œuvre les plus aboutis. Autour de l’habituel triangle amoureux, la musique ensorcelante du professeur de Schönberg rappelle celle de son contemporain Richard Strauss par la richesse de son orchestration. Dans le rôle du mari trompé, le baryton Martin Winkler impose sa voix puissante face à deux partenaires réduits au rôle de faire-valoir. Mais c’est surtout la mise en scène de Georges Lavaudant qui impose une tension de tous les instants, avec ses décors cubistes et ses ombres surréalistes en forme d’arabesques inquiétantes tissées sur les immenses murs.
Après la révélation de cette superbe production, le Gianni Schicchi de Puccini est du même niveau, grâce à l’homogénéité parfaite de sa troupe de chanteurs tout entière acquise à la farce irrésistible du maître de Lucques. Pièce maîtresse du Triptyque, l’unique opéra bouffe de Puccini se base sur un épisode de la Divine Comédie de Dante qui décrit comment une famille entière se fait rouler par l’escroc Gianni Schicchi (drôlissime Werner Van Mechelen, malheureusement un peu court de voix). Outre la magnifique Zita de Natascha Petrinsky, on retiendra le chant olympien de la Lauretta d’Ivana Rusko, grande satisfaction du festival. Avec l’intelligente mise en scène de David Pountney, qui multiplie les références décalées (des coffres-forts géants en guise de décor, une immense carte postale pour représenter la ville de Florence, ou un rideau rouge qui évoque la comédie italienne), la direction sautillante de Gaetano D’Espinosa conclut une soirée vivement applaudie par le public lyonnais.

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